Les beautés arbitraires ont une histoire qui précède la question esthétique du beau et la
dépasse. Fortes d'un je ne sais quoi qui les fonde à l'écart des systèmes théoriques elles
renversent au XVIIIe siècle la construction sociale du goût. Il se peut que cette conquête soit
le plus grand effort de la pensée moderne. Distinguer du point de vue de l'histoire de l'art
ce que la notion d'arbitraire recouvre telle est la vaste énigme dénouée dans ce livre. La
reconnaissance des beautés arbitraires se heurte à l'absolu d'un modèle antique qu'il est temps
de contredire. Car il n'est rien de fixe ni d'immuable dans l'arbitraire de la beauté tout
entier laissé à l'imagination du peintre du poète de l'architecte ou du musicien... Beauté
chimérique opposée à la beauté véritable elle revêt soudain valeur de rareté et de distinction
et se transforme en beauté nécessaire liée à l'invention de formes nouvelles qui peuvent
plaire et toucher universellement. Entre caprice et convention non-sens et vraisemblance
raison et sentiment beautés essentielles et arbitraires échangent leurs rôles pour représenter
différemment le monde et ses figures.