Dans l'Espagne de la période du franquisme tardif (1957-1975) les critiques d'art jouent un
rôle essentiel dans les mouvements de contestation qui agitent une société alors en pleine
mutation. Contre la doctrine d'un art moderne autonome et dépolitisé prônée par le régime ils
produisent des discours esthétiques qui rétablissent le lien entre culture et politique et
poussent les artistes à inscrire leurs oeuvres dans le cadre élargi des questions éthiques et
des enjeux sociaux. En s'appuyant sur l'étude d'archives restées jusqu'ici inexplorées et sur
des entretiens inédits Compagnons de lutte s'attache au travail de sept critiques et
historiens de l'art espagnols qui ont pris une part extraordinairement active à la vie
intellectuelle et politique de leur pays dans les années 1960 : ils publient éditent
traduisent ils organisent des expositions des débats des rencontres. Grâce à la complicité
nouée avec Giulio Carlo Argan et Umberto Eco en Italie Adolfo Sánchez Vázquez au Mexique
Gérald Gassiot-Talabot Pierre Restany et le Salon de la Jeune Peinture à Paris ils
s'approprient les théories et les tendances artistiques circulant à ce moment-là en Europe et
sur le continent américain en les adaptant avec succès aux conditions spécifiques de l'Espagne
franquiste. Fruit d'une approche interdisciplinaire et transnationale des réseaux artistiques
du Sud global l'ouvrage de Paula Barreiro López révèle un pan longtemps négligé par
l'historiographie de l'art européen en éclairant le fonctionnement de l'avant-garde espagnole
dans les dernières années de la dictature sa diffusion et sa réception critique dans les
milieux culturels de gauche à l'époque de la guerre froide. Prix Pierre Daix 2023